CO2, pollution, sauvegarde des espèces, santé, biodiversité… Un régime pescatarien est-il réaliste ?

Ces dernières années, on est passé de fish-lover à fish-sceptique : le saumon pollue, le poisson blanc a un très fort facteur d’émissions CO2e, l’industrie poissonnière détruit les océanset plus récemment, on est passés à fish-perdu : certaines espèces seraient sauvées, certaines pêches émettent en fait très peu de CO2, etc.

Alors on a eu envie de creuser pour comprendre. Dans cet article, nous proposons à la fois une explication sur les différents types de pollutions provoquées par la pêche et l’élevage de poissons (aquaculture) mais aussi des recommandations simples pour consommer de manière très responsable les produits de la mer.

Cet article s’appuie sur les sources les plus récentes et “sérieuses” possibles, mais c’est une V1 donc ne pas hésiter à faire vos commentaires et suggestions pour que nous puissions l’améliorer.

PS : si vous voulez juste connaître les recommandations pour manger des produits de la mer responsables, c’est à la fin de l’article.

160 millions de tonnes de poissons sont mangées chaque année (52% en provenance des élevages) 

En moyenne, dans le monde nous consommons 20 kg de poisson par an et par personne. Cette consommation est en constante augmentation mais la pêche est assez stable depuis les années 80 (nous ne pêchons pas plus en volume).

Nous mangeons donc de plus en plus de poissons d’élevage, industrie en plein boom.

La croissance de la consommation est supérieure à celle de la population, c’est logique car dans nos civilisations actuelles, la consommation de protéines animales vient avec le développement économique.

(1) – https://www.fao.org/3/ca9229fr/online/ca9229fr.html#chapter-1_1

NB : une partie de la pêche n’est pas utilisée pour la nourriture humaine

L’impact de la pêche est très variable et dépend des espèces et surtout du type de pêche

En moyenne, la consommation d’un kilo de poisson pêché aura émis près de 7 kg de CO2e

Quand on fait l’analyse du cycle de vie (ACV) d’un kilo de poisson dans nos assiettes, il en ressort qu’en moyenne, pour un kilo de poisson mangé : nous avons émis près de 7kg de CO2.

(1) – Ademe
(2) – ScienceAdvances – Let more big fish sink: Fisheries prevent blue carbon sequestration—half in unprofitable areas
(3) – Institut scientifique et Technique des pêches Maritimes – Rendements des opérations de transformation du poisson
(4) – Ademe – Etat des lieux des masses de gaspillages alimentaires et de sa gestion aux différentes étapes de la chaîne alimentaire

Et quand on regarde par type de pêche on voit que cela varie bien entendu beaucoup, par exemple la pêche de ligne (vertueuse par plein d’aspects) émet plus car elle est moins efficace…bref, ce n’est pas simple.

Royal Swedish Academy of Sciences – Fueling Global Fishing Fleets

7 kg c’est sans compter les émissions liées à l’impact des chaluts de fonds sur le CO2 capturé dans les fonds marins.

La pêche au chalut de fond consiste à racler les fonds afin d’y attraper les poissons qui y vivent. Et c’est non seulement très mauvais pour la biodiversité (algues arrachées, habitats détruits…), mais une étude récente montre que racler les fonds fait aussi remonter à la surface le CO2 que l’océan, via le plancton en particulier, a séquestré au fond des mers depuis des milliers d’années.

Une analyse, relatée dans Nature et résumée ici, a essayé de quantifier l’impact qui est très significatif : cette pêche libérerait chaque année 1 milliard de tonnes de CO2 dans l’atmosphère soit autant que tout le transport aérien.

Quand on sait que la pêche au chalut de fond représente 26% du poisson consommé, cela représente 24,5kg de CO2e supplémentaire par kg de poisson pêché par chalut de fond.

Ces émissions s’ajoutent bien entendu aux émissions précédentes soit autour de 31.55 kg de CO2 par kg de poisson pêché au chalut de fond (sachant que de surcroît le chalut de fond consomme plus de fuel que la moyenne).

Fun/ sad fact : Les ravages de ce type de pêche ne sont pas nouveaux. D’après cette émission de France Inter, au 14e ou 15e siècle la pêche par chalut de fond était passible de la peine de mort en France. 

Conclusion : demandez à votre poissonnier comment le poisson a été pêché.

Il y a aussi enjeux de sauvegarde des espèces, même si à ce niveau en Europe, des progrès ont été faits

Notre compréhension sur le sujet est que de vrais efforts ont été faits pour éviter la surpêche et favoriser la reconstitution de stock d’espèces en voie d’extinction. En Europe par exemple la biomasse dans la mer a augmenté dans les 20 dernières années : 

Ifremer – Pêche et Aquaculture

Quant aux variétés en extinction, cela dépend beaucoup des mers et des espèces donc pas facile de s’y retrouver en tant que consommateurs, mais il existe des guides comme l’infographie ci-dessous d’Ifremer ou encore ce guide de WWF.

Ifremer – Pêche et Aquaculture

L’élevage permet d’éviter la surpêche mais émet autant de CO2 et génère d’autres pollutions

Alimentation et énergie sont les deux grosses sources d’émissions de l’élevage

Cette étude très complète de Nature donne une très bonne compréhension par espèce des émissions CO2 de l’aquaculture.

On y voit que le saumon, c’est raisonnable en termes de CO2, par contre que les crevettes consomment beaucoup d’énergie…

On y comprend aussi que les 3 grandes sources d’émission de CO2 sont

  • L’alimentation (incluant le transport) : Il faut environ 5 kg de farine de poisson pour produire 1kg de poisson 
  • Le traitement des eaux (nitrification des eaux rejetées)
  • L’énergie pour l’exploitation (renouvellement de l’eau…)
Emissions intensity of the main aquaculture groups, 2017

Élevage de crevettes : pourquoi est-ce un problème

L’élevage des crevettes, en particulier en Asie est très énergivore pour 2 raisons principales : l’aération de l’eau et le pompage. En effet pour élever des forts volumes de crevettes dans des volumes limités d’eau, il est nécessaire de renouveler beaucoup l’eau, comme l’explique cette étude Australienne.

Au-delà de l’énergie nécessaire, pendant longtemps, les mangroves ont été détruites afin d’y installer des bassins d’élevage de crevettes. Or, les mangroves capturent et séquestrent énormément de CO2 par hectare – 3 fois plus que la forêt amazonienne

La bonne nouvelle est que la destruction des mangroves est désormais interdite dans la plupart des pays du monde, donc l’hémorragie semble stoppée à ce niveau-là.

Le saumon d‘élevage, bon ou pas bon ?

Le saumon (principalement d’élevage aujourd’hui) a souvent mauvaise presse mais nous n’avons trouvé que peu de recherches réellement chiffrées.

Les plus du saumon : 

  • Plutôt un bon élève d’un point de vue CO2
  • C’est un poisson dit gras et qui est donc nutritionnellement bon (oméga…)

Les enjeux (non chiffrés) du saumon sont : 

« Sous les fermes de saumon parsemées à travers les fjords norvégiens, il y a une couche de déchets de 15 mètres de hauteur, débordante de bactéries, médicaments et pesticides. Bref, tout le fond marin a été détruit, et puisque les fermes sont situées dans des eaux libres, la pollution de ces fermes n’est nullement maîtrisée. »

Kurt Oddekalv
  • D’un point de vue pollution, l’élevage de saumon (et des autres poissons), un peu comme l’élevage intensif des animaux, n’est pas rose (😉). Le premier enjeu souvent cité est celui de la pollution des eaux avec à la fois tous les antibiotiques et autres traitements pour garder en “santé” les poissons entassés par millions dans certains élevages. Le second impact est des mutations génétiques au sein des élevages (chair fragile et beaucoup plus grasse), or ces mutations peuvent toucher les saumons sauvages et donc fragiliser l’espèce. À ce sujet, nous n’avons trouvé aucun chiffre. Cet article relate un problème au Chili (2e pays producteur mondial de saumon), du fait du développement d’algues mortelles pour les saumons au sein des élevages.

La pollution est un vrai enjeu a minima dans les zones d’élevage mais il est très difficile de comparer avec les autres pollutions (poulet, porc…).

Guide pour continuer à manger du poisson tout en minimisant son impact

Pour conclure, ci-dessous la synthèse de nos recommandations pour bien consommer les produits de la mer.

Les produits à éviter absolument : 

  • Le poisson pêché par les chaluts de fond (demandez à votre poissonnier)

Les produits à éviter sauf exception :

  • Les crevettes en provenance d’Asie qui sont très consommatrices en énergie (en plus de la pollution).
  • Le saumon de Norvège (toxicité maximale)
  • Certains poissons en voie d’extinction en Europe – Cabillaud, sole, bar, merlu de Méditerranée et globalement les poissons pêchés en Méditerranée

Recap des produits à privilégier :

(1) – Wikimer page 23 et National Geographic
(2) – une très bonne solution pour manger du poisson vraiment durablement pêché : Poiscaille

Et un résumé plus visuel à partager avec vos proches :

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